Personajes
EL REY
DON DIEGO RODRIGO (El Cid Campeador) CONDE DE GORMAZ JIMENA LA INFANTA DON ARIAS DON ALONSO SANTIAGO, EL APÓSTOL |
Alfonso VI, Rey de Castilla Noble Castellano Hijo de Don Diego Noble Castellano Hija del Conde de Gormaz Hija del Rey Alfonso Caballero Castellano Caballero Castellano Santiago el Mayor |
Barítono Bajo Tenor Bajo Soprano Soprano Tenor Barítono Bajo |
La acción se desarrolla en Burgos, capital del reino de Castilla, España, durante el siglo XIII
OUVERTURE PREMIER ACTE Première Tableau (À Burgos. Une salle chez le Comte de Gormaz. Au fond, grande fenêtre avec balcon donnant sur une rue dont les maisons sont pavoisées. Fanfares au lointain.) RIDEAU (Fanfares à l'extérieur, lointain.) SEIGNEURS (Amis du Comte) Ecoutez la joyeuse fanfare! Le Roi nous mande auprès de lui. DON ARIAS (aux Seigneurs) Il arme chevalier Don Rodrigue aujourd'hui! DON ALONZO (de même) Et la faveur est rare! SEIGNEURS (entre eux) Rodrigue est jeune encore... Pour être chevalier! LE COMTE DE GORMAZ (qui est entré sur les dernières paroles) Mais Don Diègue, Messieurs, fut un vaillant guerrier! Le vieillard en son fils obtient sa récompense (Fanfares.) DON ARIAS Si le prince est si juste à payer la vaillance, Seigneur de Gormaz, comptez sur plus grande faveur! LE COMTE Que prétendez-vous dire? DON ARIAS A l'Infant le Roi doit élire Avant ce soir un gouverneur! SEIGNEURS C'est à vous que revient un tel honneur! LE COMTE Ah! ce choix comblerait tous les voeux de ma vie! CHIMÈNE (entrant avec animation, à son père) Que c'est beau ces drapeaux flottants! Ces glaives éclatants! Où le ciel met sa flamme! Et cette ville en fête! et ce nom qu'on acclame! LE COMTE (avec un sourire) Le nom surtout est beau... (avec intention) n'est-ce pas? CHIMÈNE (Confuse) Ah! je vois que mon père a lu dans mon âme! LE COMTE Oui, Chimène, Rodrigue est digne de ton choix, Je me promets du fils ce que j'ai vu du père... Et ma fille, en un mot, peut l'aimer et me plaire, Ma fille peut l'aimer! CHIMÈNE (Radieuse) Que la parole est douce au coeur de votre enfant! (On entend de nouveaux appels de trompettes) LES SEIGNEURS Ecoutez la joyeuse fanfare! LE COMTE Au palais le Roi nous attend. LES SEIGNEURS (Au Comte) Et votre gloire s'y prépare. Passez, Comte de Gormaz, Passez gouverneur de l'Infante! (Le Comte de Gormaz sort accompagné de ses amis.) CHIMÈNE (avec ivresse) Aimer! Je puis aimer librement devant tous! Ah! la chère promesse! Il est des coeurs parfois timides ou jaloux Qui trouvent des douceurs à cacher leur tendresse! Mais à ceux-là le mien n'est point pareil. L'aveu de mon bonheur en redouble l'ivresse! A mes fières amours il faut le clair soleil! (expressif) Et librement je veux aimer! (Quelques pages précédent l'Infante paraissent et se retirent dès son entrée) L'Infante! L'INFANTE (Entrant à Chimène) Tu parais bien joyeuse, Chimène? CHIMÈNE Eh! qui ne pourrait l'être au beau jour que voilà! L'INFANTE (avec mélancolie) Mais... peut être ceux-là Que leur grandeur enchaîne Et qui ne sauraient pas à ceux-là Que d'admettre en leur âme un simple chevalier! CHIMÈNE (troublée) Que dites-vous, Madame? (à part) Je frissonne! L'INFANTE L'amour est un tyran qui n'épargne personne! CHIMÈNE (Très troublée) Rodrigue... vous l'aimez? L'INFANTE Mets la main sur mon coeur Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur, Comme il le reconnaît! CHIMÈNE (vivement et émue) Ne l'aimez pas! Madame! Laissez le doute dans mon âme... Ne l'aimez pas, Madame! Laissez l'espérance en mon coeur... Ne l'aimez pas, Madame! Espérance peut être vaine... Doute peut-être juste, hélas! Ah! (sans rigueur) pour ma destinée incertaine... (sans retenir) Ah! par pitié! ne l'aimez pas! L'INFANTE Garde sans peur, ô ma Chimène, Le rêve qui te vient charmer... Sois heureuse! Tu n'est pas reine! Moi, je n'ai pas le droit d'aimer! CHIMÈNE Soyez clémente souveraine! Et laissez-moi le droit de l'aimer! L'INFANTE (Qui s'est peu clamée à la prière de Chimène) Va! je me souviendrai de qui je suis la fille! L'orgueil des princes de Castille Doit étouffer en moi les rêves les plus doux! (avec résolution) Rodrigue est ton amant, Il sera ton époux! CHIMÈNE (avec joie) Rodrigue... mon époux! Deuxième Tableau (Une gallérie conduisant du palais à l'une des entrées de la Cathédrale Au milieu sur un piller, statue de saint Jacques le Majeur.. À travers la colonnade une vue de la ville de Burgos. Ciel clair. Les cloches sonnent Actions de grâce du peuple après la victoire. L'infante, Chimène, le Roi, Don Diègue, le Comte de Gormaz, prêtes, dames de la Cour, Seigneurs, peuple.) LE PEUPLE Béni soit le nom du Seigneur Dont la force nous accompagne! Gloire à Saint Jacques le Majeur, Souverain patron de l'Espagne! LE ROI O peuple de Burgos, les Maures sont vaincus! Et dans cette journée, Nous rendons au Seigneur l'église profanée Et nous nous relevons de notre abaissement. Peuple, nous nous relevons de notre abaissement! LE PEUPLE Béni soit le nom du Seigneur! Gloire à Saint Jacques le Majeur! Souverain patron de l'Espagne! LE ROI Je veux récompenser ici, publiquement, Heureux d'un juste témoignage. Une antique valeur dans un jeune courage! (Aux pages) Faites venir Rodrigue. DON DIÈGUE O mon maître! ô mon Roi! (se prosternant arrêtant le geste de don Diègue) LE ROI Non, Comte, pas ainsi... prends place auprès de moi. (La porte de l'église s'ouvre, Rodrigue paraît conduit par les pages; il est sans épée. Il s'avance, s'incline respectueusement devant le Roi et attend que ce dernier lui adresse la parole.) CHIMÈNE (avec émotion) Trouble délicieux que je sens à sa vue... Ah! Ne me trahis pas! L'INFANTE (à part, regardant Chimène) Comme elle semble émue! LE COMTE et SES AMIS (à part) Que son regard est fier! Voyez! Il s'avance... C'est lui! LE ROI (à Rodrigue arrêté devant lui) Te voici devant nous, coeur fervent, coeur loyal, Et devant Dieu qui te regarde Préparé dignement à cet honneur royal! À genoux! LE CHOEUR (à Rodrigue) Préparé dignement à cet honneur royal! A genoux! TOUS A genoux! LA FOULE Te voici préparé dignement à cet honneur royal! A genoux! (Rodrigue s'agenouille; un évêque tient ouvert devant lui l'Evangile) LE ROI (avec solennité) Jurez-vous d'être bon chevalier? RODRIGUE Je le jure! LE ROI Jurez-vous de défendre avec nous le bon droit? RODRIGUE Je le jure! LE ROI Fidèle à Dieu, fidèle au Roi, Jurez-vous de garder votre foi toujours pure? RODRIGUE (se relevant) Je le jure! LE ROI (Prenant l'épée que lui présente un page) Reçois donc cette épée, Elle a dans dix combats étincelé claire et fidèle! Qu'elle prenne en tes mains une gloire nouvelle! RODRIGUE (montrant son père, énergique) J'ai devant moi l'exemple et ne faiblirai pas! LE ROI (en forme de consécration religieuse) Que Monseigneur Saint Jaques et que Dieu notre Sire, vous aient pour chevalier et daignent vous conduire! TOUS Que Monseigneur Saint Jaques et que Dieu notre Sire, vous aient pour chevalier et daignent vous conduire! (Le Roi donne l'accolade à Rodrigue.) RODRIGUE (l'épée à la main) O noble lame étincelante, Pure comme un regard d'enfant, Combats gardienne vigilante Et fais l'honneur seul triomphant! Pendant les injustes querelles Reste immobile à mon côté, Mais sois de flamme et prends des ailes Pour l'Espagne et sa liberté! Mais sois de flamme et prends des ailes mais sois de flamme, Pour l'Espagne et sa liberté! (Se tournant vers la statue de Saint Jacques) A Saint Jacques de Compostelle, j'ai voué ma foi; Il me verra toujours à sa cause fidèle, Quand je l'invoquerai, qu'il regarde vers moi! (dans une sorte d'extase) Puis, là-haut, dans l'espace... Une vision passe... Elle semble venir des mondes infinis! (Après un regard à Chimène) Ange ou femme, mes jours à tes jours sont unis; Avec ce fier regard , avec ce doux sourire, tu ne saurais jamais conduire Qu'aux chemins glorieux ou qu'aux sentiers bénis! CHIMÈNE (à part) Serment d'amour, promesse éternelle Je t'accepte et je n'ai plus d'effroi! RODRIGUE O noble lame étincelante,.... CHIMÈNE Noble lame! RODRIGUE Pure comme un regard d'enfant; CHIMÈNE Pure comme un regard d'enfant; RODRIGUE Combats gardienne vigilante, CHIMÈNE Va combattre.... RODRIGUE Et fais l'honneur seul triomphant! CHIMÈNE Pour l'honneur! RODRIGUE ET CHIMÈNE Pendant les injustes querelles Reste immobile à son côté, Mais sois de flamme et prends des ailes Pour l'Espagne et sa liberté RODRIGUE Mais sois de flamme, prends des ailes... CHIMÈNE Sois de flamme, prends des ailes... pour l'Espagne et sa liberté! RODRIGUE Pour l'Espagne et sa liberté! LE ROI (à Rodrigue) Va, mon bon chevalier, va dans notre chapelle Bénir Celui qui fait les vaillants comme toi! LE CHOEUR Gloire à Saint Jacques le Majeur Souverain patron de l'Espagne! Gloire à Saint Jacques le Majeur! (Tout le monde entre dans l'église sauf le Roi, don Diègue, le Comte et ses amis) DON DIÈGUE (au Roi) O mon Roi, soyez aussi béni! LE ROI (à Don Diègue) Non! ma reconnaissance ne s'est pas acquittée! Il faut un gouverneur à l'héritier de ma puissance: C'est toi que j'ai jugé digne de cet honneur! TOUS Lui! Lui! Lui! LE COMTE (avec violence) Sire! Ah! que me vaut cette injure suprême? LE ROI (avec hauteur) S'attaquer à mon choix c'est se prendre à moi-même! (Le Roi entre dans le palais suivi des amis de Don Diègue . Le Comte demeure atterré Au moment de sortir Don Diègue revient sur ses pas et la main tendue, s'avance vers le Comte) LE COMTE (à Don Diègue) Ainsi vous l'emportez! et la faveur du Roi Vous élève en un rang qui n'était dû qu'à moi! DON DIÈGUE (amicalement) A l'honneur qu'il m'a fait ajoutez-en un autre: Vous n'avez qu'une fille, et moi, je n'ai qu'un fils, Joignons d'un noeud sacré ma maison à la votre! LE COMTE (ironiquement) A de plus hauts partis ce beau fils doit prétendre! DON DIÈGUE (se contenant) Vous montrez un courroux que je ne puis comprendre. LES SEIGNEURS Entendez-vous? LE COMTE Entendez-vous? Entendez-vous, ah, ah, ah? DON DIÈGUE Doit-on pas ce respect au pouvoir absolu De n'examiner rien... quand le Roi l'a voulu. SEIGNEURS Entendez-vous? l'étrange audace! Entendez-vous, ah, ah, ah? LE COMTE (à Don Diègue) Parlons-en mieux; le Roi fait honneur à votre âge! DON DIÈGUE (agité peu à peu) Le Roi, quand il en fait, le mesure au courage! LE COMTE (encore plus violent) Et par là cet honneur n'était dû qu'à mon bras! DON DIÈGUE (hors de lui) Qui n'a pu l'obtenir... ne le méritait pas! LE COMTE (De même) Ne le méritait pas! Moi? DON DIÈGUE Vous! LE COMTE Téméraire vieillard... ton imprudence, aura sa récompense! (Il soufflette Don Diègue.) N'attends rien de ton bras! Va! DON DIÈGUE (tirant son épée) achève... et prends mon sang! Va! SEIGNEURS Pitié pour lui! pitié! (Le Comte désarme de suite Don Diègue.) DON DIÈGUE Ah! ma force... a trahi... mon courage! (Don Diègue tombe, accablé, sur un banc.) SEIGNEURS (à Don Diègue, ironiquement, en s'éloignant) S'il vous plaît au disciple auguste Conter votre histoire, ô seigneur! Qu'elle s'arrête à l'heure juste Où l'on vous fit son gouverneur! (Au Comte) Entendez-vous? Ayons pitié de sa faiblesse! ayons pitié! Ah! ah! ah! ah! (ils sortent) DON DIÈGUE (seul, anéanti) O rage! ô désespoir... ô vieillesse ennemie! Ah! pourquoi n'ai-je pas, au tombeau glorieux, Avant cette infamie Rejoint les grand aïeux! Maintenant que je vive, ou bien que je succombe... De cet affront gardé me suivra le remords! Et j'irai sous le ciels ou j'irai dans la tombe... Méprisé des vivants ou repoussé des morts! LA VOIX de RODRIGUE (Dans l'église) Je le jure! DON DIÈGUE (avec égarement) Cette voix... LE VOIX de RODRIGUE Je le jure! DON DIÈGUE Rodrigue! Il faudra... que j'affronte... à l'instant... son regard! Je fuirai... ô Dieu! rougir devant mon fils! Maintenant que je vive ou bien que je succombe... De cet affront gardé me suivra le remords! Et j'irai sous le ciel... ou j'irai dans la tombe... Méprisé des vivants ou repoussé des morts! ô rage! ô désespoir! (relevant la tête) Qu'ai-je dit? fuir mon fils! Non! non! je le réclame! Qu'il vienne! Avec mon sang je lui donnai mon âme! Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir Je veux le mettre au sien pour venger et punir! (Rodrigue, rayonnant, a paru. - Don Diègue, s'élance au devant de lui; avec vigueur) DON DIÈGUE Rodrigue, as tu du coeur? RODRIGUE (avec ardeur) Tout autre que mon père l'éprouverait sur l'heure! DON DIÈGUE Ah! j'aime ta colère, mon fils! RODRIGUE (anxieux) Parlez! DON DIÈGUE On m'a devant tous outragé! Un homme m'a frappé... lâchement... au visage! RODRIGUE Ah! mon père! son nom? son nom? DON DIÈGUE Et cet outrage mon bras affaibli ne l'a pas vengé! RODRIGUE Son nom! son nom enfin! Il faut que je l'apprenne! DON DIÈGUE Tu connais sa valeur! RODRIGUE (vivement) Il connaîtra la mienne! Son nom! n'hésitez pas! DON DIÈGUE C'est le comte de Gormaz! RODRIGUE (atterré) Le père de Chimène! Le père de Chimène! DON DIÈGUE (à Rodrigue) C'est lui qui m'a frappé... n'as-tu pas entendu? La fortune t'impose une épreuve cruelle. Mais plus que ta douleur mon offense est mortelle... N'as-tu pas entendu? Sans toi notre honneur est perdu! RODRIGUE Ah! tout mon sang s'est glacé dans mon coeur éperdu! Devais-tu m'imposer, ô fortune cruelle, Pour la première épreuve mortelle! DON DIÈGUE N'as-tu pas entendu? Mon fils! n'as-tu pas entendu? Hélas! tout mon bonheur perdu Sans toi tout notre honneur perdu! RODRIGUE Hélas! tout mon bonheur perdu! (Chimène sort de l'église.) RODRIGUE Elle! CHIMÈNE (s'arrête près de la colonnade du fond) Serment d'amour, promesse éternelle Je t'accepte et je n'ai plus d'effroi! RODRIGUE (avec un sanglot) Meurs en mon âme, divin amour! DON DIÈGUE (observant Rodrigue avec anxiété) Tu trembles? tu faiblis? (Chimène a passé lentement derrière la colonnade.) RODRIGUE (revenant à lui) Ah! qui peut vivre infâme... Est indigne du jour! DON DIÈGUE (avec violence) Meurs ou tue! RODRIGUE (Résolument) Allons! mon père! tu seras vengé! DON DIÈGUE Ah! je serai vengé! RIDEAU. |
OBERTURA ACTO PRIMERO Escena Primera (En Burgos. Una sala en casa del Conde de Gormaz. Al fondo, un gran ventanal que da a una calle, en que las casas están adornadas con estandartes. Sonidos de trompetas a lo lejos.) TELÓN (trompetas en el exterior, a lo lejos) LOS SEÑORES (Amigos del Conde) Escuchad la alegre fanfarria militar. El Rey nos llama a su presencia. DON ARIAS (A los señores) ¡Hoy armará caballero a don Rodrigo! DON ALONSO (Igualmente) Es un favor extraño... LOS SEÑORES (entre ellos) ¡Rodrigo es joven aún para ser caballero! EL CONDE (que entra con las últimas palabras) Mas, don Diego, señores, fue un valiente guerrero. Su valor obtiene recompensa en su hijo. (Trompetas) DON ARIAS Si el príncipe es tan justo como para pagar la valentía, señor Gormaz, ¡podéis contar con un favor aún mayor! EL CONDE ¿Qué queréis decir? DON ARIAS Para la infanta, el rey debe elegir, durante esta tarde, un preceptor. LOS SEÑORES Es en vos en quien recaería tal honor EL CONDE ¡Ah! ¡Esa elección colmaría todos los deseos de mi vida! JIMENA (que entra, muy animada, a su padre) ¡Qué bonito! ¡Esos estandartes al viento, esos aceros que resplandecen con la luz del cielo! ¡Y la villa en fiestas! ¡Y el nombre que todos aclamamos! EL CONDE (con una sonrisa) Sobre todo, ese nombre, te resulta bello... (Con intención) ¿verdad? JIMENA (confusa) ¡Ah! Ya veo que mi padre ha leído en mi corazón... EL CONDE Sí, Jimena. Rodrigo es digno de tu elección. Espero del hijo lo que he visto en el padre, y, mi hija, con un solo gesto, puede amarlo y complacerme. ¡Hija, te doy permiso para amarlo! JIMENA (radiante) ¡Qué dulces son tus palabras a mi corazón! (Se oyen nuevas llamadas de trompetas) LOS SEÑORES ¡Escuchad la alegre fanfarria militar! EL CONDE ¡En el palacio, el rey nos espera! LOS SEÑORES (al conde) Allí se prepara vuestra gloria. ¡Pasad, Conde de Gormaz! ¡Pasad, preceptor de la Infanta! (El Conde sale, acompañado de sus amigos) JIMENA (con arrobamiento) ¡Amar! ¡Puedo amar libremente, ante todos! ¡Ah! ¡Querida promesa! Hay corazones que, a veces, por timidez o, por celos, deben ocultar su amor, su ternura, mas, el mío, ¡en nada puede comparárseles! ¡Cantar mi felicidad redobla mi entusiasmo! ¡Mi orgulloso amor necesita el claro sol! (Expresiva) ¡Quiero amarlo libremente! (aparece la infanta, precedida por pajes que se retiran cuando ella ha entrado) ¡La infanta! LA INFANTA (a Jimena) Pareces muy feliz, Jimena... JIMENA ¿Y quién no los estaría ante este día tan bello? LA INFANTA (con melancolía) Mas, puede ser que, aquellos, a quienes su grandeza encadena, sin poder olvidar su rango, ¡no pueden admitir en su corazón a un simple caballero! JIMENA (Turbada) ¿Qué decís, Señora? (aparte) ¡Tiemblo! LA INFANTA ¡El amor es un tirano que a nadie diferencia! JIMENA (acongojada) ¿Rodrigo? ¿Vos lo amáis? LA INFANTA Pon tu mano en mi corazón y mira cómo se conmociona ante el nombre de quien lo ha ganado. ¡Cómo lo reconoce! JIMENA (emocionada) ¡No lo améis, señora! ¡Permitid esta duda a mi alma! ¡No lo améis, señora! ¡Permitid a mi corazón la esperanza! ¡No lo améis, señora! Mi esperanza, quizá, sea en vano... La duda, quizá, acertada, ¡sí! ¡Ah! (Sin rigor) ¡Por mi destino incierto! (Sin contenerse) ¡Ah! ¡Por piedad! ¡No lo améis! LA INFANTA Guarda, sin miedo, ¡oh, mi Jimena! el sueño que te fascina... ¡Eres afortunada! ¡No eres reina! Yo..., ¡yo no tengo derecho a amar! JIMENA Sed clemente, soberana, ¡permitidme el derecho de amar! LA INFANTA (más calmada, ante el ruego de Jimena) ¡Ve! ¡Yo me acordaré de quien soy hija! ¡El orgullo de las princesas de Castilla, debe sofocar, en mí, los sueños más dulces! (con resolución) ¡Rodrigo es tu amor! ¡Será tu esposo! JIMENA (con alegría) Rodrigo... ¡mi esposo! Escena Segunda (Una galería que conduce, desde el palacio a una de las entradas de la catedral. En el centro sobre un pilar, la estatua de Santiago. A través de la columnata, se ve la villa. Cielo claro. Suenan las campanas. Acciones de gracia del pueblo, tras la victoria. La Infanta, Jimena, el rey, don Diego, el conde de Gormaz, sacerdotes, damas de la corte, señores, pueblo.) EL PUEBLO ¡Bendito sea el nombre del Señor, cuya fuerza nos acompaña! ¡Gloria al Apóstol Santiago soberano patrón de España! EL REY ¡Oh, Pueblo de Burgos! ¡Hemos vencido a los moros y, en este día, retornamos al Señor la iglesia profanada y, nos levantamos de nuestro abatimiento. ¡Pueblo, se acabó nuestro abatimiento! EL PUEBLO ¡Bendito sea el nombre del Señor! ¡Gloria a Santiago, soberano patrón de España! EL REY Quiero recompensar, aquí, públicamente, feliz, por un justo testimonio, un antiguo valor en un joven coraje. (a los pajes) Haced venir a Rodrigo. DON DIEGO ¡Oh, mi Señor! ¡Oh, mi Rey! (quiere postrarse. el rey lo detiene) EL REY No, conde, nada de eso. Tomad asiento junto a mí. (La puerta de la iglesia se abre. Aparece Rodrigo, conducido por los pajes. No lleva espada. Avanza, se inclina respetuosamente ante el Rey y espera que él le dirija la palabra.) JIMENA (con emoción) Feliz turbación la que siento al verlo... ¡Ah! ¡No me traiciones! LA INFANTA (mirando a Jimena) ¡Qué emocionada parece! EL CONDE Y SUS AMIGOS (Aparte) ¡Qué orgullosa mirada! ¡Mirad! ¡Ya viene! ¡Es él! EL REY (a Rodrigo, parado ante él) ¡Tú estás aquí, ante nosotros, corazón ferviente, corazón leal, y ante Dios, que te está mirando! ¡Estás preparado para este honor real! ¡Arrodíllate! EL CORO (A Rodrigo) Preparado para este honor real ¡Arrodíllate! TODOS ¡Arrodíllate! LA GENTE Estás aquí, dispuesto para el honor real ¡Arrodíllate! (Rodrigo se arrodilla. Un obispo tiene abierto, ante él, el Evangelio). EL REY (solemnemente) ¿Juráis ser un buen caballero? RODRIGO Lo juro. EL REY ¿Juráis defender, con nosotros, la Ley? RODRIGO Lo juro. EL REY Fiel a Dios, fiel al Rey, ¿juráis guardar vuestra fe siempre pura? RODRIGO (Alzándose) Lo juro. EL REY (Tomando la espada que le presenta un paje) Recibe esta espada. ¡Forjada, clara y fiel en diez combates! ¡Que, en tus manos, obtenga una nueva gloria! RODRIGO (Señalando a su padre, enérgico) Tengo, ante mí, el ejemplo, y, ¡jamás desfalleceré! EL REY (Religiosamente) ¡Que, el señor Santiago y Dios Nuestro Señor, os ayuden, caballero, y tengan a bien guiaros! EL CORO ¡Que, el señor Santiago y Dios Nuestro Señor, os ayuden, caballero, y y tengan a bien guiaros! (El Rey da al Cid la espada Colada) RODRIGO (con la espada en su mano) ¡Oh, noble hoja reluciente, pura, como la mirada de un niño combate, guardiana vigilante, y haz triunfar tu honor! Durante querellas injustas, permanece, inmóvil, a mi lado, mas, inflámate, abre tus alas ¡por España y su libertad! ¡Inflámate, abre tus alas, inflámate, por España y su libertad! (Volviéndose hacia la estatua de Santiago) A Santiago de Compostela dirijo mi fe. Siemptre seré fiel a su causa; y que cuando lo invoque, ¡su mirada vuelva hacia mí! (En una especie de éxtasis) Luego, ahí arriba, en el cielo una visión pasa... ¡Parece venir de los mundos infinitos! (Tras mirar a Jimena) ¡Ángel o mujer, mis días están unidos a los tuyos, con tu orgullosa mirada, con tu dulce sonrisa, sólo me podrás conducir por caminos de gloria, por senderos benditos! JIMENA (Aparte) Juramento de amor, ternura infinita; te acepto, ya no tengo miedo. RODRIGO ¡Oh, noble hoja reluciente... JIMENA Noble hoja... RODRIGO Pura, como la mirada de un niño JIMENA Pura, como la mirada de un niño RODRIGO Combates, guardiana vigilante... JIMENA Ve a combatir... RODRIGO y haz triunfar tu honor! JIMENA ¡Por el honor! RODRIGO Y JIMENA Durante las luchas injustas permanece, inmóvil, a mi lado. Mas, ¡inflámate y abre tus alas, por España y su libertad! RODRIGO ¡Inflámate y abre tus alas... JIMENA ¡Inflámate y abre tus alas... por España y su libertad! RODRIGO por España y su libertad! EL REY (A Rodrigo) ¡Ve, mi buen caballero, ve a nuestra capilla, bendice a Aquél que crea a los valientes, como tú! EL CORO ¡Gloria a Santiago, soberano patrón de España! ¡Gloria a Santiago! (Todos entran en la iglesia, excepto el rey, don Diego, el conde y sus amigos) DON DIEGO (AL rey) ¡Oh, mi rey, bendito seais! EL REY (A don Diego) ¡No! Mi reconocimiento no acaba aquí! Es necesario un preceptor a la heredera de mi potestad: ¡Te he juzgado digno de este honor! TODOS ¡Él! ¡Él! ¡Él! EL CONDE (Con violencia) ¡Señor! ¡Ah! ¿Quién me injuria así? EL REY (Con altivez) ¡Cuestionar mi elección es atacarme a mí mismo! (Entra en palacio seguido de los amigos de don Diego. El conde se queda aterrado. Antes de irse, don Diego vuelve sobre sus pasos y con la mano tendida, va hacia el conde). EL CONDE (A don Diego) ¡De qué manera lo habéis conseguido! ¡Vos, elevado al rango que, a mí, era debido! DON DIEGO (Amigablemente) A este honor se me añade otro; vos sólo tenéis una hija y yo, sólo un hijo, ¡unamos con un lazo sagrado, mi casa a la vuestra! EL CONDE (Irónicamente) ¡A más altos honores debe pretender vuestro hijo! DON DIEGO (Conteniéndose) ¡Mostráis una furia que no puedo entender! LOS SEÑORES ¿Habéis oído? EL CONDE ¿Habéis oído? ¿Habéis oído? ¿Ja, ja, ja? DON DIEGO ¿No debemos respeto al poder absoluto, sin cuestionar cuando es deseo del rey? LOS SEÑORES ¿Habéis oído? ¡Extraña audacia! ¿Habéis oído? ¿Ja, ja, ja? EL CONDE (A don Diego) ¡Hablemos claro! ¡El Rey ha honrado vuestras canas! DON DIEGO (Alterándose poco a poco) ¡El rey, cuando lo ha hecho, valoraba el coraje! EL CONDE (Todavía más violento) ¡Pues, por ello, ese honor me correspondía a mí! DON DIEGO (Fuera de sí) ¡Quien no ha podido obtenerlo... no lo merecía! EL CONDE (Igual) ¡No lo merecía! ¿Yo? DON DIEGO ¡Vos! EL CONDE Viejo temerario ¡Tu imprudencia tendrá su recompensa! (Abofetea a don Diego) ¡Nada espero de tu brazo! ¡Vete! DON DIEGO (Sacando su espada) ¡Acaba, llévate mi sangre! ¡Vamos! LOS SEÑORES ¡Tened piedad de él! ¡Piedad! (El conde desarma a don Diego.) DON DIEGO ¡Ah! ¡Mi fuerza ha traicionado a mi valor...! (Don Diego cae abatido, sobre un banco) LOS SEÑORES (Burlándose, a don Diego) Si deseais narrar vuestra historia a vuestra augusta discípula, ¡que se interrumpa en el momento justo en que os nombraron su preceptor! (Al Conde) ¿Habéis oído? ¡Apiadémonos de su debilidad! ¡Apiadémonos! ¡Ja, ja, ja, ja! (Se van) DON DIEGO (Solo, anonadado) ¡Oh rabia! ¡Oh, desesperanza! ¡Oh, vejez enemiga! ¡Ah, ante esta infamia! ¿Por qué no estoy ya en la tumba, reunido con mis gloriosos antepasados? ¡Mientras viva y hasta que muera esta afrenta siempre llevaré conmigo! En el cielo, en la tierra y en la tumba ¡seré el escarnio de los vivos y la burla de los muertos! LA VOZ DE RODRIGO (Dentro de la iglesia) ¡Lo juro! DON DIEGO (Con extravío) Esa voz... LA VOZ DE RODRIGO ¡Lo juro! DON DIEGO ¡Rodrigo! ¡Tendré que verlo! ¡Huiré!... ¡Oh, Dios! ¡Ruborizarme ante mi hijo! ¡Mientras viva y hasta que muera, esta afrenta llevaré siempre conmigo! En el cielo, en la tierra y en la tumba, escarnio de los vivos y burla de los muertos! ¡Oh rabia! ¡Oh desesperanza! (Alzando la cabeza) ¿Qué estoy diciendo? ¡No! ¡No! ¡Lo llamaré! ¡Que venga! ¡Con mi sangre, le di mi alma! El hierro que mi brazo no puede ya sostener, ¡Se lo daré, para que pueda vengarme! (Rodrigo aparece resplandeciente, bajo el umbral de la iglesia. Don Diego va hacia él) DON DIEGO Rodrigo, ¿tienes corazón? RODRIGO (Con ardor) ¡Nadie sino mi padre podría contestar a eso! DON DIEGO ¡Ah! ¡Amo esa cólera, hijo mío! RODRIGO (Con ansiedad) ¡Hablad! DON DIEGO ¡He sido humillado! Un hombre me ha golpeado la cara. RODRIGO ¡Ah! ¡Padre mío! ¡Su nombre! ¡Su nombre! DON DIEGO ¡Y esa afrenta, mi débil brazo no la ha podido vengar! RODRIGO ¡Su nombre! ¡Su nombre, al fin! ¡He de saberlo! DON DIEGO ¡Tú conoces su valor! RODRIGO (Vivamente) ¡Él conocerá el mío! ¡Su nombre! ¡No lo dudéis! DON DIEGO ¡Es el conde de Gormaz! RODRIGO (Espantado) ¡El padre de Jimena! ¡El padre de Jimena! DON DIEGO (A Rodrigo) Él es quien me ha afrentado, ¿no lo has oído? La fortuna te impone una prueba cruel, pero, más que tu dolor, mi ofensa es mortal. ¿no me has oído? Sin ti, nuestro honor está perdido. RODRIGO ¡Ah, se me ha helado la sangre en este corazón loco! Tenías que imponerme, ¡oh fortuna cruel!, la primera prueba mortal... DON DIEGO ¿Es que no me has oído? Hijo mío, ¿no me oyes? Toda mi suerte esta perdida; Sin ti, nuestro honor está acabado. RODRIGO ¡Oh! ¡Mi felicidad está perdida! (En ese momento, Jimena sale de la iglesia) RODRIGO ¡Ella! JIMENA (Se detiene en la columnata, al fondo) Juramento de amor, promesa eterna... Yo te acepto ya, sin miedo. RODRIGO (Con un sollozo) Divino amor, ¡has de morir en mi corazón! DON DIEGO (Observando a su hijo, con ansiedad) ¿Tiemblas? ¿Flaqueas? (Jimena pasa lentamente por detrás de la columnata) RODRIGO (Volviendo en sí) ¡Ah! ¡Quien puede vivir con infamia es indigno de la luz del día! DON DIEGO (Con violencia) ¡Muere o mátalo! RODRIGO (Resueltamente) ¡Vamos! ¡Padre, serás vengado! DON DIEGO ¡Ah! ¡Seré vengado! TELÓN |
ACTE DEUXIÈME Premier tableau (Une rue à Burgos La nuit. Peu de lune. A droite le palais du Comte. A gauche une lampe allumée devant une madone.) RIDEAU RODRIGUE (Rodrigue s'avance lentement.) Percé jusques au fond du coeur D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle. Par l'injuste rigueur d'une juste querelle Je deviens la victime, en étant le vengeur! O Dieu l'étrange peine, Si près de voir l'amour récompensé! En cet affront mon père est l'offensé... Et l'offenseur, le père de Chimène! (Il fait un mouvement pour s'éloigner. Revenant) Non! Je dois tout à mon père avant qu'à ma maîtresse. Que je meure au combat, ou meure de tristesse Je rendrai mon sang pur comme je l'ai reçu! Ah! Qu'importe ma peine, ma peine! C'est trop déjà d'avoir tant balancé! Puisqu'aujourd'hui mon père est l'offensé et l'offenseur est le père de Chimène! (Il s'élance vers la porte du palais. A ce moment le Comte paraît sur le seuil) RODRIGUE (très ferme et très décidé) A moi, Comte, deux mots. LE COMTE Parle!. RODRIGUE Ote-moi d'un doute. Connais-tu bien Don Diègue? LE COMTE Oui. RODRIGUE (sans retenir) Parlons bas; écoute: Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu, La vaillance et l'honneur de son temps? Le sais-tu? LE COMTE Peut-être RODRIGUE (sombre) Cette ardeur que dans les yeux je porte. Je l'ai prise en son coeur et son sang est le mien! Comte, le sais-tu bien? LE COMTE Que m'importe? RODRIGUE A quarter pas d'ici je te le fais savoir! LE COMTE Jeune présomptueux! RODRIGUE Par le sans t'émouvoir! (très ferme et fièrement) Je suis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées La valeur n'attend pas le nombre des années! J'attaque en téméraire un bras toujours vainqueur! Oui, tout autre que moi Pourrait trembler d'effroi! J'attaque en téméraire Un bras toujours vainqueur Mais, j'aurai trop de force ayant assez de coeur, Car je venge mon père! LE COMTE Te mesurer à moi! Je tremblerais pour toi! Va, sois moins téméraire! Dispense me valeur d'un combat inégal et pour moi sans honneur. Téméraire! Je tremble pour toi! Crains sans honneur (tirant son épée) ENSEMBLE Allons! Allons! L'épée en main! (ils se battent) LE COMTE (Après un engagement) Ah! Ton bras est fort comme ton âme est fière RODRIGUE Mes pareils `à deux fois en se font pas connaître... Et pour leurs coups d'essai.... (Transperçant le Comte) Veulent des coups de maître! LE COMTE (Tombant) Ah! RODRIGUE (Se précipitant sur le corps du Comte) Dieu du ciel! Qu'ai-je fait? Je n'ai plus qu'a mourir! (Divers groupes accourant à la hâte de plusieurs côtés à la fois) PREMIERS GROUPES Un combat! Que s'est-il passé? Regardez! là! Le Comte! notre maître! mortellement blessé! AUTRES GROUPES (Accourant) Qu'est-ce donc? que s'est-il passé? Il respire encore peut être? Non! Son coeur est déjà glacé! DON DIÈGUE (est accouru, accompagné de ses amis.) Gormaz n'est plus! (se retournant aux amis) Amis, dont le courage S'offrait à venger mon outrage, Vous le voyez: mon fils vous avait devancés! (allant vers Rodrigue, les bras ouverts) Rodrigue! mes affronts par toi, sont effacés! Je t'ai donné la vie et tu me rends la gloire! (Des valets emportent le corps du Comte dans son palais. Une partie de la foule les suit) RODRIGUE (à son père; avec une douleur encore contenue) Quand vous revient l'honneur ravi Je ne me repens point de vous avoir servi... DON DIÈGUE Ô mon fils....! RODRIGUE Mais laissez moi pleurer ma cruelle victoire! DON DIÈGUE Ô mon cher fils...! RODRIGUE Pour vous j'ai tout perdu.. DON DIÈGUE (tendre) Ô mon fils....! RODRIGUE (en sanglotant) Ce que je vous devais je vous l'ai bien rendu! (parait sur l'escalier, pâle, échevelée) CHIMÈNE Mort! mort! Qui l'a frappé? Ah! je le jure Par le ciel, par le sang de l'horrible blessure, Celui-là... quel qu'il soit je veux le frapper de ma main! LE CHOEUR (dans le palais du comte) Requiem dona ei sempiternam Domine. CHIMÈNE (avec des sanglots et comme se parlant à elle même) O mon père! Si grand! si glorieux et si bon! Ce matin comme avec de doux yeux il disait: Mon enfant peut l'aimer et me plaire! (A ces mots, Rodrigue se voile le visage avec ses mains) LE CHOEUR (dans le palais du comte ) Requiem dona ei sempiternam Domine. CHIMÈNE (avec un crie farouche) Non! pas d'oubli... ni de pardon! (à la foule) Mais répondez-moi donc! il faut que l'on me nomme Le meurtrier! (Silence général. Chimène va de l'un à l'autre; à l'un des assistants avec anxiété.) C'est toi? Non! tu l'aimais! (à un autre) C'est toi? peut-être? Ah! tu n'aurais jamais eu ce courage! (à au autre) Toi? (avec une rage croissante) Dieu! Le nom de cet homme Qui m'a pris mon bonheur, mon orgueil, mon appui! Parlez! parlez! (Elle arrive devant Rodrigue et pousse un cri en le voyant si pâle et si accablé; elle a tout compris. Avec horreur.) Ah! Ciel! lui! Rodrigue! C'est lui! (Elle tombe évanouie; sans voix) lui! LE CHOEUR (dans le palais) Requiem dona ei sempiternam Domine. (Le rideau tombe lentement pendant que l'on entend encore dans l'intérieur du palais le chant religieux) Deuxième Tableau (Le grande place de Burgos. A gauche, le palais du Roi. Journée de printemps. Clair soleil - Danses populaires - Foule. Tableau très animé dès le lever du Rideau. L'Infante paraît et va de groupe en groupe, suivie de moines et de jeunes filles portant des corbeilles et des aumônières) RIDEAU. L'INFANTE (à un groupe de vieillards et d'enfants) Plus de tourments et plus de peine Au jour attendu si longtemps! Le printemps sans la joie humaine Serait-il encore le printemps? (distribuant des aumônes) Prenez, c'est Dieu qui vous le donne, Alléluia! Dieu jamais ne nous abandonne Quand jamais on ne l'oublia! Alléluia! LES JEUNES FILLES et LES MOINES Alléluia! (Un groupe de fiancés s'approche de l'Infanta) L'INFANTE (aux fiancés) Allez en paix, vous que l'on aime, Allez, en vous donnant la main! N'avez-vous pas le bien suprême Que d'autres coeurs cherchent en vain? L'amour, c'est Dieu qui nous le donne! Alléluia! Gardez ce trésor qui rayonne Et que le ciel vous confia! Alléluia! LES JEUNES FILLES et LES MOINES Alléluia! Alléluia! (L'Infanta s'éloigne suivie des Moines. La place est envahie par des groupes joyeux.) LA FOULE Accourez! accourez! accourez! Accourez! Sages et fous, venez avec nous! venez! (Le Roi paraît sur le seuil du palais) (Ballet castillane, andalouse, aragonaise, aubade, catalane, madrilène, navarraise) LA FOULE Alza! Alza! Alza! Alza! LA FOULE (apercevant le Roi, le salue de ses cris de joie) Le Roi! le Roi! le Roi! Salut à notre maître, Au généreux et doux Seigneur! Salut! salut! salut! salut! (Le Roi descend les degrés du palais) CHIMÈNE (accourant éperdue) Justice! Justice! Justice! On a tué mon père! LA FOULE (Mouvement général de surprise et d'horreur) Dieu! Dieu! CHIMÈNE Je me jette à vos pieds! j'embrasse vos genoux! Sire! écoutez ma prière! Vengez ce noble sang qui fumait de courroux De se voir répandu pour d'autres qui pour vous! LA FOULE Justice! CHIMÈNE J'implore ta justice... O Roi! je la réclame! Il n'a pas hésité, lui, pour briser mon âme! Ni pitié, ni pardon, jamais, pour cet infâme! LE ROI Et de qui faut-il donc que je tire vengeance? CHIMÈNE De Rodrigue! LE ROI (douloureusement) Rodrigue! Ah! j'attendais ce nom! Il n'est pas de ceux-là qui gardent une offense! CHIMÈNE Sire! Je l'ai juré! Ni pitié! Ni pardon! (avec véhémence) Lorsque j'irai dans l'ombre. Aux plis d'un voile sombre Cachant mon front terni. Faudra-t-il donc que je le voie Passer, ivre de joie Et d'orgueil impuni? Ni pitié... ni pardon... Ô Roi! c'est en toi que j'espère! Frappe-le! Écoute ma prière Frappe-le! frappe-le! frappe-le! Il a tué mon père! DON DIÈGUE (qui a paru sur les dernières paroles de Chimène, s'avançant la main posée sur l'épaule de Rodrigue) Il a vengé le sien! LE ROI (à Don Diègue, avec calme) Vous, Don Diègue, parlez! DON DIÈGUE (sombre et amer) Qu'on est digne d'envie Lorsqu'en perdant la force on perd aussi la vie! Je me vois aujourd'hui, pour avoir trop vécu, Recevoir un affront et demeurer vaincu! Moi, dont les longs travaux ont acquis tant de gloire! Moi! que jadis partout a suivi la victoire! Rodrigue est mon fils! un fils digne de moi, Digne de son pays, et digne de son roi! Si Chimène se plaint qu'il a tué son père... Il ne l'eut jamais fait si je l'eusse pu faire! Sire! Immolez donc celui que les ans vont ravir... Et conservez pour vous pour vous le bras qui peut servir! Satisfaites Chimène, Je consens à ma peine... Et loin de murmurer d'un rigoureux décret Mourant sans déshonneur je mourrai sans regret! CHIMÈNE (implacable, avec énergie) Sire! mon père est mort! J'en demande vengeance! L'INFANTE, DON DIÈGUE, AMIS DE DON DIÈGUE Non! l'honneur le défend! AMIS DU COMTE Oui! le sang veut du sang! RODRIGUE O tourment... de la voir! O douleur... de l'entendre! Comme il est loin de moi le bonheur attendu! A quoi bon résister! et pourquoi me défendre? A jamais entre nous est le sang répandu! CHIMÈNE Rien ne peut le sauver! Rien ne doit le défendre! Je tiendrai le serment par le ciel entendu! Qui pourrait hésiter dans l'arrêt qu'il faut rendre? N'est-il pas réclamé par le sang répandu? DON DIÈGUE Par l'honneur qu'il servait et qu'il a su défendre, Que Rodrigue à son tour soit aussi défendu! Un affront à punir veut du sang à répandre, Et l'arrêt sans terreur est par nous attendu! LE ROI Par le juge éternel que je sois entendu! Si le sang veut du sang! S'il osa le répandre... Ah! je doute et je tremble à l'arrêt qu'il faut rendre. Par l'honneur qu'il servait n'est-il pas défendu! L'INFANTE Que sévère ou clément soit l'arrêt qu'il faut rendre, Les voilà séparés par le sang répandu! Et je sens, malgré moi, tout mon coeur se répande a l'espoir d'un bonheur qui m'était défendu! LES AMIS DU COMTE et LA FOULE Il n'est plus celui-là qui savait nous défendre! Rigoureux soit l'arrêt en ce jour attendu! Oui! le sang veut du sang! il osa répandre Et Rodrigue à jamais par son crime est perdu! LES AMIS DE DON DIÈGUE ET LA FOULE Un affront à punir veut du sang à répandre Et l'honneur est toujours des vaillants entendu! C'était lui qu'il servait et qu'il a su défendre que Rodrigue à son tour soit par lui défendu! (Appels de trompettes au loin.) LE ROI (avec surprise) Ces appels! Qu'est-ce donc? LE CHOEUR (tous regardent) Sire! un cavalier maure! (Paraît un cavalier, suivi de quelques soldats maures) LE ROI Un envoyé de Boabdil! L'infidèle! Ose-t-il devant moi paraître encore? L'ENVOYE MAURE Ô Roi! Boabdil notre maître et l'Elu du Prophète. Lassé de son repos que vous nommiez retraite, A repris le chemin qui mène à tes états Et par ma voix t'appelle à de nouveaux combats! (mouvement dans la foule) LE ROI (fièrement à l'Envoyé Maure) Puisque ton maître à la défaite veut ramener ses compagnons, Retourne sur tes pas! Dis-lui que nous venons! TOUS Retourne vers les tiens! Dis-leur que nous venons! LE ROI Quant au nombre de ceux qui tentent l'aventure Peu nous importe, car nous savons, je te jure! Ce qu'il en restera quand nous aurons passé! TOUS Il n'en restera plus, quand nous aurons passé! (L'Envoyé Maure s'éloigne avec son escorte) LE ROI (gravement à ses gentilshommes) Vous avez entendu sa parole hautaine? (A Rodrigue, avec un reproche douloureux) Rodrigue, qu'as-tu fait? Quand notre ennemi reparaît, Le plus vaillant guerrier, mon plus fier capitaine, Tu me t'as enlevé? DON DIÈGUE (s'avançant résolument) Eh bien! sire!... qu'il le remplace! Dans cette sombre nuit s'il vous a trop prouvé Sa force et son audace! Qu'il vous l'atteste mieux au jour qui s'est levé! (Aux soldats, au peuple) Oui! qu'il soit votre chef! Si vous voulez le suivre, si son bras le défend le pays est sauvé! LES AMIS DE DON DIÈGUE ET LA FOULE Oui, qu'il soit votre chef! Oui! vous devez le suivre Si son bras le défend le pays est sauvé! RODRIGUE (frémissant, au Roi) Ah! Sire! écoutez-les! Permettez-moi de vivre Un jour encore! Un jour encore! le temps d'être vainqueur! DON DIÈGUE (avec ardeur) Oui! qu'il soit votre chef! Si vous voulez le suivre! Ecoutez-les! Si son bras le défend, le pays est sauvé LA FOULE Oui, qu'il notre chef! Oui, nous voulons le suivre! Si son bras le défend, le pays est sauvé Sois notre chef! RODRIGUE Sire! Ecoutez-les! Permettez-moi de vivre un jour, et d'être vainqueur! DON DIÈGUE (au Roi) Ecoutez-les! LA FOULE (avec joie) Notre chef! LE ROI J'y consens... sois leur chef! CHIMÈNE Lui! Dieu vengeur! LE ROI (à Rodrigue) Va combattre pour la patrie! CHIMÈNE Ah! justice! justice! justice! Ecoutez-moi! LE ROI (à Chimène) Nous compterons après! J'ai pour gage sa vie! CHIMÈNE ET LES AMIS DU COMTE C'est la cause de Dieu que déserte le Roi! LE ROI, DON DIÈGUE, AMIS DE DON DIÈGUE, L'INFANTE et LA FOULE Va combattre, Rodrigue! et que Dieu soit pour toi! CHIMÈNE LES AMIS DU COMTE Malheur sur toi! RODRIGUE Que Dieu soit pour moi! RIDEAU. |
ACTO SEGUNDO Escena Primera (Una calle de Burgos. Noche de leve luna. A la derecha, el palacio del conde. A la Izquierda, una lamparita ilumina la imagen de una virgen.) TELÓN RODRIGO (Avanzando lentamente) Destrozado en lo más íntimo del corazón por un golpe tan inesperado como mortal, por el injusto rigor de una justa querella. ¡Me convierto en víctima, siendo el vengador! ¡Oh Dios! ¡Qué terrible dolor! ¡Tan cerca estaba de recibir el premio de su amor! ¡Y en esta afrenta, mi padre es el ofendido y el agresor, el padre de Jimena! (Parece marcharse pero vuelve sobre sus pasos) ¡No! Le debo más a mi padre que a mi dama. Muera en el combate o de tristeza, ¡entregaré mi sangre, tan pura como la recibí! ¡Ah! ¡Qué importa mi dolor, mi dolor! ¡Ya he vacilado bastante, pues mi padre hoy ha sido ofendido y su agresor es el padre de Jimena! (Se lanza hacia la puerta del palacio. En ese momento, el conde aparece en el umbral RODRIGO (Muy firme y decidido) ¡A mí, conde! ¡Unas palabras! EL CONDE ¡Habla! RODRIGO Aclárame una duda. ¿Conoces a don Diego? EL CONDE Sí. RODRIGO (Sin contenerse) Hablemos en voz baja. Escucha: ¿Sabes que ese anciano fue la virtud misma, la valentía y el honor de su tiempo? ¿Lo sabes? EL CONDE ¡Puede ser! RODRIGO (sombrío) ¡El fuego que llevo en la mirada lo recibí de su corazón y su sangre es la mía! Conde, ¿te has enterado? EL CONDE ¡Qué me importa! RODRIGO ¡A cuatro pasos de aquí, te lo haré saber! EL CONDE ¡Joven presuntuoso! RODRIGO ¡No te alteres! (Muy firme y con arrojo) ¡Soy joven, cierto es, pero en los corazones bien nacidos el valor no se adquiere con el pasar de los años! ¡Mi ataque es frontal, mi brazo, siempre vencedor! ¡Sí! ¡Todos, ante mí, tiemblan de miedo! ¡Mi ataque es frontal, mi brazo, siempre vencedor! ¡Y hoy, a mi fuerza se suma mi corazón pues he de vengar a mi padre! EL CONDE ¡Te mides conmigo! ¡Temblaré por ti! ¡Vete! ¡Sé menos temerario! ¡No comprometas mi valor en un combate desigual y, para mí, sin honor ni gloria! ¡Temerario! ¡Tiemblo por ti! ¡Teme mi cólera! (Sacando su espada) JUNTOS ¡Vamos! ¡Vamos! ¡Espada en mano! (Se baten) EL CONDE (Después de un primer intercambio) ¡Ah! ¡Tu brazo es tan fuerte como tu corazón orgulloso! RODRIGO A mis iguales en combate, no necesitan un segundo encuentro... y sus estocadas de principiantes... (hiriendo al conde) ¡son como golpes de maestro! EL CONDE (Mientras cae) ¡Ah! RODRIGO (Precipitándose sobre el cuerpo del conde) ¡Dios del Cielo! ¿Qué he hecho? ¡He de morir! (Varios grupos de gente acuden, corriendo, desde todas partes) PRIMER GRUPO ¡Un combate! ¿Qué es lo que pasa? ¡Mirad allí! ¡El conde! ¡Nuestro señor! ¡Herido de muerte! OTRO GRUPO (Acudiendo) ¿Qué ocurre, pues? ¿Qué es lo que ha pasado? ¿Es posible que aún respire? ¡No! ¡Su corazón se ha parado! DON DIEGO (Entrando con sus amigos) ¡Ya no existe Gormaz! (Se vuelve hacia sus amigos) ¡Amigos, aunque vuestro valor se ofreció para vengar mi ultraje, ya lo veis: mi hijo se os ha adelantado! (Va hacia Rodrigo, con los brazos abiertos) ¡Rodrigo! ¡Por ti, se ha borrado mi afrenta! ¡Te di la vida y tú me devuelves la gloria! (Los lacayos se han llevado el cuerpo del conde dentro del palacio. Una parte de la gente, les ha seguido) RODRIGO (Dolorosamente) Os he repuesto vuestro honor, y no me arrepiento de haberos servido... DON DIEGO ¡Oh! ¡Hijo mío! RODRIGO Mas, ¡dejadme ahora llorar mi cruel victoria! DON DIEGO ¡Oh! ¡Mi querido hijo! RODRIGO Por vos, lo he perdido todo... DON DIEGO (Con ternura) ¡Oh! ¡Hijo mío! RODRIGO (sollozando) ¡Lo que os debía, ya está bien pagado! (Aparece Jimena, bajo el umbral, pálida, desgreñada.) JIMENA ¡Muerto! ¡Muerto! ¿Quién lo ha matado? ¡Ah! ¡Juro por el Cielo, por la sangre que mana de esa horrible herida, que a quien lo haya matado, lo voy a matar con mis manos! EL CORO (Dentro del palacio) Señor, concédele el eterno descanso. JIMENA (Entre sollozos, como si hablase a sí misma) ¡Oh! ¡Padre mío! ¡Tan grande, tan glorioso y tan bueno! Esta mañana, tu dulce mirada, me decía: "Mi hija puede amar y complacerme". (Ante estas palabras, Rodrigo se cubre la cara con las manos) EL CORO (Dentro del palacio) Señor, concédele el eterno descanso. JIMENA (Con un grito animal) ¡No! ¡Ni olvido ni perdón! (A la gente) ¡Respondedme! ¡Tengo que saber el nombre del asesino! (Silencio general. Jimena se acerca a uno de sus ayudantes) ¿Has sido tú? ¡No! ¡Tú lo amabas! (A otro) ¿Quizá, tú? ¡Ah! ¡Tú jamás tendrías el valor necesario! (A otro) ¿Tú? (Con una rabia aun mayor) ¡Dios! ¡El nombre de ese hombre que se ha llevado mi alegría, mi orgullo, mi apoyo! ¡Hablad! ¡Hablad! (Llega ante Rodrigo y emite un grito al verlo tan pálido y atormentado. Ha comprendido todo. Horrorizada) ¡Ah! ¡Él! ¡Cielos! ¡Rodrigo! ¡Ha sido él! ¡Él! (cae desvanecida; sin voz) ¡Él! EL CORO (Dentro del palacio) Señor, concédele el eterno descanso (El telón cae lentamente, mientras se oye aún, desde el interior del palacio, el canto religioso) Escena Segunda (La Plaza Mayor de Burgos. A la izquierda, el palacio del rey. Día de primavera. Claro de sol. Danzas populares. La gente. La escena se anima mientras se va alzando el telón. Aparece la infanta, que va de grupo en grupo, seguida por monjes y doncellas que llevan cestas de frutas y limosnas.) TELÓN LA INFANTA (A un grupo de ancianos y niños) No más tormentos, ni dolor, ¡Éste es el día que tanto hemos esperado! La primavera, sin la alegría humana, ¿sería, aún, la primavera? (Distribuyendo limosnas) ¡Tomad! ¡Es Dios quien os las da! ¡Aleluya! ¡Dios nunca nos abandona ni nos olvida! ¡Aleluya! LOS MONJES, LAS DONCELLAS ¡Aleluya! (parejas de novios se acercan a la infanta) LA INFANTA (A los novios) Id en paz, vosotros que os amáis, marchaos cogidos de la mano. ¿No tenéis el bien supremo que otros corazones anhelan en vano? ¡El amor! ¡Es Dios quien nos lo da! ¡Aleluya! Guardad ese tesoro resplandeciente que el Cielo os ha confiado. ¡Aleluya! LOS MONJES, LAS DONCELLAS ¡Aleluya! ¡Aleluya! (La infanta se aleja, seguida de los monjes. La plaza se llena de grupos jubilosos) LA GENTE ¡Acudid! ¡Acudid! ¡Acudid! ¡Acudid! Sabios y tontos, ¡venid con nosotros! ¡Venid! (Aparece el rey, bajo el umbral del palacio) (Baile castellano, andaluz, aragonés, alborada catalana, madrileña, navarra) LA GENTE ¡Alsa! ¡Alsa! ¡Alsa! LA GENTE (Percibiendo al rey, lo saludan con vítores de alegría) ¡El rey! ¡El rey! ¡El rey! ¡ Salud a nuestro señor! ¡Al generoso y dulce Señor! ¡Salud! ¡Salud! ¡Salud! (El rey desciende las gradas del palacio) JIMENA (Corriendo, fuera de sí) ¡Justicia! ¡justicia! ¡Han matado a mi padre! LA GENTE (Con sorpresa y horror) ¡Dios! JIMENA ¡Me arrojo a vuestros pies! ¡Abrazo vuestras rodillas! ¡Ah! ¡Señor, escucha mi ruego! ¡Vengad la noble sangre que rezuma cólera al verse derramada por otros, y no por vos! LA GENTE ¡Justicia! JIMENA ¡Te imploro justicia, oh rey! ¡La reclamo! ¡Él no dudó en destrozar mi corazón! ¡Ni piedad, ni perdón! ¡Nunca, para ese infame! EL REY Y, ¿en quién debo tomar venganza? JIMENA ¡De Rodrigo! EL REY (Dolorosamente) ¿Rodrigo? ¡Esperaba ese nombre! ¡Él no es de los que perdonan una ofensa! JIMENA ¡Señor! ¡Lo he jurado! ¡Ni piedad, ni perdón! (Con vehemencia) Cuando, entre las sombras vaya, bajo mi velo de luto, escondiendo un ceño de vergüenza, ¿tendré que verlo, entonces, pasar por mi lado, borracho de alegría y con su orgullo impune? ¡Ni piedad ni perdón! ¡Oh rey! ¡En ti confío! ¡Mátalo! ¡Escucha mi plegaria! ¡Mátalo! ¡Mátalo! ¡Él ha matado a mi padre! DON DIEGO (Que ha aparecido durante las últimas palabras de Jimena, acerca su mano y la posa sobre la espalda de Rodrigo) ¡Él ha vengado a su padre! EL REY (A don Diego con calma) Vos, don Diego, ¡hablad! DON DIEGO (sombrío y con amargura) Es digno de envidia quien, perdiendo la fuerza, pierde también, la vida. Hoy me veo, por haber vivido demasiado, recibir una afrenta y caer vencido... ¡Yo, que a través de mis esfuerzos he alcanzado la gloria! ¡Yo, que un día fui el vencedor! ¡Rodrigo es mi hijo! ¡Un hijo digno de mí, digno de su país y digno de su rey! Si Jimena se queja de que él ha matado a su padre, ¡nunca lo hubiera hecho él si hubiese podido yo mismo! ¡Señor! ¡Castiga, entonces, a aquél a quien los años ya no embellecen y conserva el brazo que aún puede servirte! Satisface a Jimena... ¡Yo me entrego a mi destino, y lejos de quejarme por el rigor del decreto, moriré sin deshonor y sin remordimiento, JIMENA (Con energía) ¡Señor! ¡Mi padre esta muerto! ¡Exijo venganza! LA INFANTA, DON DIEGO, LOS AMIGOS DE DON DIEGO ¡No! ¡Lo defiende su honor! LOS AMIGOS DEL CONDE ¡Sí! ¡La sangre llama a la sangre! RODRIGO ¡Oh tormento por verla! ¡Oh dolor por oírla! ¡Cuán lejos de mí la felicidad que esperaba! ¿Por qué resistir y para qué defenderme? ¡La sangre derramada entre nosotros, nos separará por siempre! JIMENA ¡Nada lo puede salvar! ¡Nadie debe defenderlo! ¡Mantendré el juramento que el cielo ha oído! ¿Quién podría dudar en el veredicto que debe dar? ¿No se le reclama la sangre que ha derramado? DON DIEGO ¡Por el honor al que ha servido y que ha sabido defender, que Rodrigo sea, a su vez, defendido! Una afrenta que castigar requiere sangre derramada. Esperamos, pues, el veredicto, sin miedo. EL REY ¡Que el Juez Eterno me escuche! Si la sangre llama a la sangre, si ha de derramarse más, ¡Ah! ¡Dudo y tiemblo ante el veredicto que debo pronunciar! ¿No debería ser defendido por el honor al que ha servido? LA INFANTA Sea el veredicto que él debe dar, severo o clemente, están separados por la sangre derramada. ¡Y yo siento, a pesar de mí misma, una nueva esperanza para la felicidad que se me había negado! AMIGOS DEL CONDE Y LA GENTE ¡Aquél que nos defendía ya no está entre nosotros! ¡Que sea riguroso el veredicto en este día que tanto hemos esperado! ¡Sí! La sangre llama a la sangre; él ha osado a derramarla... ¡Rodrigo, por su crimen, se ha perdido para siempre! LOS AMIGOS DE DON DIEGO Y LA GENTE ¡Castigar una afrenta exige derramar sangre, y los valientes siempre escuchan el honor! ¡Él ha servido y ha sabido defender su honor, que a Rodrigo, a su vez, lo defienda su honor! (Llamadas de trompeta, a lo lejos) EL REY (con sorpresa) Esas llamadas. ¿qué son, pues? EL CORO (Mirando) ¡Señor! ¡Un caballero moro! (Aparece un caballero seguido de soldados moros) EL REY Un enviado de Boabdil: ¿el infiel todavía osa presentarse ante mí? EL ENVIADO DE LOS MOROS ¡Rey! Boabdil, nuestro señor, y Elegido del Profeta, cansado de su reposo, que vos llamáis retirada, está en camino a vuestros estados y, a través de mí, ¡os llama a nuevas batallas! (Conmoción entre la gente) EL REY (Orgullosamente, al enviado moro) Ya que tu señor, a la derrota quiere guiar a sus hombres, ¡Vuelve sobre tus pasos! ¡Dile que estamos en camino! TODOS ¡Vuelve con tu gente! ¡Diles que acudiremos! EL REY En cuanto al número de hombres que participan en esta aventura, poco nos importa porque, sabemos bien, te lo juro, ¡Cuán pocos quedarán cuando hayamos terminado! TODOS ¡No quedará nadie después de que hayamos pasado! (El enviado moro se aleja, con su escolta) EL REY (A sus caballeros) ¿Habéis oído sus arrogantes palabras? (A Rodrigo, con un sentido reproche) Rodrigo, ¿qué has hecho? Cuando nuestro enemigo reaparece, del más valiente guerrero, de mi capitán más orgulloso... ¡me privas! DON DIEGO (Se adelanta, resueltamente) Bien, señor, ¡que él lo reemplace! Si en esa negra noche, pudo probar su fuerza y su audacia, ¡os dará aún más en este día lleno de luz! (A los soldados, a la gente) ¡Sí! ¡Que él sea vuestro jefe! Si le queréis seguir, si su brazo os defiende, ¡el país está salvado! LOS AMIGOS DE DON DIEGO Y LA GENTE ¡Sí, sí! ¡Que sea él nuestro jefe! ¡Sí, queremos seguirle! ¡Si su brazo nos defiende, el país está salvado! RODRIGO (Temblando, al rey) ¡Ah! ¡Señor! ¡Escuchadles! ¡Permitidme vivir un día más! ¡Un día más! ¡El tiempo de ser vencedor! DON DIEGO (con ardor) ¡Sí! ¡Que sea él vuestro jefe, si vosotros queréis seguirle! ¡Escuchad! ¡Si su brazo lo defiende, el país esta salvado! LA GENTE ¡Sí! ¡Que sea él nuestro jefe! ¡Sí! ¡Queremos seguirle! ¡Si su brazo lo defiende, el país esta salvado! ¡Sea nuestro jefe! RODRIGO ¡Señor! ¡Escuchadles! ¡Permitidme vivir un día más! ¡Un día más! ¡El tiempo de ser vencedor! DON DIEGO (Al rey) ¡Escuchadles! LA GENTE (Con alegría) ¡Sea nuestro jefe! EL REY Consiento. ¡Sea vuestro jefe! JIMENA ¡Él! ¡Dios vengador! EL REY (A Rodrigo) ¡Ve a combatir por tu patria! JIMENA ¡Ah! ¡Justicia! ¡Justicia! ¡Escuchadme! EL REY (A Jimena) ¡Ya veremos después! ¡Tengo su vida empeñada! JIMENA Y LOS AMIGOS DEL CONDE ¡El rey ha desertado de la causa de Dios! EL REY, DON DIEGO, AMIGOS DE DON DIEGO LA INFANTA Y LA GENTE ¡Ve a combatir, Rodrigo y que Dios sea contigo! JIMENA Y LOS AMIGOS DEL CONDE ¡Mal rayo te parta! RODRIGO ¡Que Dios sea conmigo! TELÓN |
ACTE TROISIÈME Premier Tableau (La chambre de Chimène. La nuit Une lampe brûle sur la table. Au fond, on aperçoit les jardins éclairés par la lune) RIDEAU (Chimène est assise, accablée, la tête dans les mains.) CHIMÈNE De cet affreux combat je sors l'âme brisée! Mais enfin je suis libre et je pourrai du moins Soupirer sans contrainte et souffrir sans témoins. (avec un grand sentiment) Pleurez! pleurez mes yeux! tombez triste rosée Qu'un rayon de soleil ne doit jamais tarir! S'il me reste un espoir, c'est de bientôt mourir! Pleurez toutes vox larmes! pleurez mes yeux! (Elle pleure. Se redressant.) Mais qui donc a voulu l'éternité des pleurs? O chers ensevelis, trouvez-vous tant de charmes à léguer aux vivants d'implacables douleurs? (Rêveuse) Hélas! je me souviens, il me disait: Avec ton doux sourire... Tu ne saurais jamais conduire Qu'aux chemins glorieux ou qu'aux sentiers bénis! (douloureux) Ah! mon père! Hélas! (Rodrigue paraît) (Avec effroi) Rodrigue! Toi! toi! dans cette demeure! RODRIGUE (doux et résigne) Alors que je te laisse, ou devant que je meure Une dernière fois j'ai voulu te revoir! CHIMÈNE (sombre) Tu viens me reprocher l'éclat de ma colère! Pourtant, je sais de toi comme on fait son devoir! RODRIGUE (toujours loin d'elle) De ce que tu peux faire Je ne reproche rien! Venant de toi, Chimène, tout est bien! En vain tu seras cruelle, Je garde à ton coeur fermé, Reconnaissance éternelle De m'avoir un jour aimé! ENSEMBLE O jours de première tendresse, Même alors que vous n'êtes plus En nous demeure votre ivresse, Comme on reste ébloui de rayons disparus! CHIMÈNE (émue) Qui de nous deux, Rodrigue, a la plus rude peine? RODRIGUE Celui-là qui n'a pas l'oubli de ses amours! CHIMÈNE Mais la gloire t'attend aux chemins où tu cours! RODRIGUE Y devais-je courir en emportant ta haine! CHIMÈNE Va! je ne te hais point! RODRIGUE (Se rapprochant) Tu le dois! CHIMÈNE Je ne puis! Hélas! si d'un autre que toi j'avais appris les larmes, Mon âme aurait trouvé dans le bien de te voir L'unique allégement qu'elle eût pu recevoir; Mais quand c'est de toi seul que viennent mes alarmes, Mon faible coeur... se brise... à te vouloir punir. Je demande ta vie... et crains de l'obtenir! RODRIGUE (comme extasié) Ô miracle d'amour! CHIMÈNE Ô comble de misères! ENSEMBLE Que de maux et de pleurs... nous coûteront nos pères! CHIMÈNE (s'attendrissant de plus en plus) Ah! Rodrigue, qui l'eût pensé? RODRIGUE Qui nous l'aurait dit... Chimène? ENSEMBLE Que la félicité prochaine Aurait si loin de nous et si vite passé... pour jamais! CHIMÈNE Ah! tais-toi! C'est assez de blasphèmes! J'offense en t'écoutant Et la tombe et le ciel! Va-t-en! va-t-en! Ah! RODRIGUE (qui a reculé sous le geste et les paroles de Chimène) Reçois donc mes adieux suprêmes! Je vais mourir! CHIMÈNE (faisant un pas vers Rodrigue comme pour le retenir) Mourir! Tu vas mourir! L'ennemi qui t'attend est-il se redoutable... Qu'il donne l'épouvante à cette âme indomptable? Ou n'as-tu de courage... et d'élan, et d'ardeur... Que pour frapper mon père (avec des sanglots) et me briser le coeur? Tu vas mourir! Quoi! faut-il que ce soit Chimène qui t'engage a conserver des jours qui lui sont un outrage! Va! cours! vole au combat! et qu'importent la rage... Et le nombre... et l'instant... et le lieu! Souviens-toi! Sauve, tu l'as juré, ton pays et ton roi! Sauve, tu l'as juré, ton pays et ton roi! Te dirai-je encore plus? (avec tendresse) Si jamais je t'aimai, cher Rodrigue! Si jamais, je t'aimai! Va! songe à ta défense! Pour forcer mon devoir et m'imposer silence... Reviens! reviens! Reviens si grand! reviens chargé de tants d'exploits qu'on serait moins coupable en contemplant ta gloire d'oublier le passé que d'en garder mémoire! RODRIGUE (extasié) Pouvais-je le croire? Dieu! elle pardonnerait! CHIMÈNE Ah! mon coeur tressaille encore! Mais le Dieu que j'implore Nous sépare à jamais! RODRIGUE Ô Dieu bon! Dieu bon! tu le permets! Ah! son coeur tressaille encore Pour celui qu'elle adore, A jamais! son coeur tressaille encore! (avec éclat) Chimène! tu l'as dit: je reviendrai vainqueur! CHIMÈNE (éperdue) Ah! qu'ai-je dit? Non! non! je n'ai rien dit! rien! rien! rien! Ah! pas d'oubli ni de pardon! Adieu! va-t-en! Ces mots me font mourir de honte! Ah! adieu! (Elle s'enfuit) RODRIGUE Chimène! je reviendrai vainqueur! (transfiguré) Est-il quelque ennemi qu'à présent je ne dompte? Paraissez Navarrais, Maures et Castillans! Et tout ce que l'Espagne a nourri de vaillants! Accourez par les mers, par les monts et la plaine! La terre est à Rodrigue, et Rodrigue à Chimène! Paraissez, Navarrais, Maures et Castillans! RIDEAU. Deuxième Tableau (Le camp de Rodrigue. A l'horizon: la mer C'est le soir - Des capitaines et de soldats navarrais et castillans boivent et chantent. A gauche sont accroupis des prisonniers, des prisonnières et des musiciens maures. Désordre très pittoresque.) RIDEAU. CAPITAINES et SOLDATS Vivons sans peur et sans remords! L'Enfer est un mensonge... et le ciel est un rêve! Mais la terre est à nous! Car nous sommes les forts! Et notre droit c'est notre glaive! Vivons sans peur et sans remords! Du vin, de l'amour, de l'or! Chaque jour fêtes nouvelles! (Rodrigue paraît suivi d'un groupe de capitaines et de soldats) RODRIGUE (avec autorité, aux soldats que boivent) Arrêtez! Est-ce ainsi qu'à la honteuse ivresse Vous employez le temps que le Seigneur vous laisse pour vous préparer à la mort? (Mouvement) LES CAPITAINES et LES SOLDATS (avec assurance) La victoire est à nous! RODRIGUE Non! Une armée immense S'étend autour de nous et grandit et s'avance... Contre elle il faut tenter notre suprême effort! SOLDATS (1er Groupe) Non! pourquoi résister? partons avant l'aurore! fuyons! fuyons! RODRIGUE Qui parle de s'enfuir? SOLDATS (2d groupe, pour Rodrigue) Nous sommes avec toi! RODRIGUE Nous pouvons vaincre encore! SOLDATS (1er groupe) Le sort est contre nous! RODRIGUE (avec élan) On peut toujours mourir! SOLDATS (2d groupe) Tu ne seras pas seul à l'instant redoutable! Il en est parmi nous qui ne désertent pas! SOLDATS (1er groupe) Combattre sans espoir est démence coupable! Nous gardons notre sang pour de plus sûrs combats! RODRIGUE Lâches! lâches! fuyez! (Rodrigue d'un dernier geste chasse les fuyards, puis se tourne vers soldats. La nuit est venue peu à peu.) Amis au coeur fidèle Cherchez dans le repos l'oubli de votre sort! Que l'ange du sommeil effleure de son aile Les fronts déjà promis à l'ange de la mort! Moi! je veillerai! (Les soldats s'éloignent. Les derniers appels des trompettes, se répondent puis s'éloignent , au loin dans le camp. Tout repose.) Troisième Tableau (La tente de Rodrigue) RODRIGUE (seul, avec un profond découragement) Ah! tout est bien fini... Mon beau rêve de gloire, Mes rêves de bonheur S'envolent à jamais! Tu m'as pris mon amour... Tu me prends la victoire... Seigneur, je me soumets! O souverain, ô juge, ô père, Toujours voilé, présent toujours, Je t'adorais au temps prospère Et te bénis aux sombres jours! Je vais où la loi me réclame Libre de tous regrets humains! Ô souverain, ô juge, ô père, Ta seule image est dans mon âme Que je remets entre tes mains! (Un lueur grandit peu à peu et se détache sur le fond de la tente. C'est l'image vivante de Saint Jacques le Major qui apparaît pendant que des voix célestes se font entendre) VOIX DU CIEL Ô souverain, ô juge, ô père! Toujours voilé, toujours présent! RODRIGUE (extasié) Ces voix! ces voix d'en haut! la nuit s'éclaire! SAINT JACQUES Rodrigue! RODRIGUE Saint Jacques! SAINT JACQUES Jusqu'au ciel a monté ta prière! RODRIGUE Naguère, il a reçu ma foi! Il m'entendait! il vient à moi! à moi! Ô souverain ô juge, ô père! Ta seule image est dans mon âme que je remets entre tes mains Ô souverain ô juge, ô père! SAINT JACQUES Qui donne le fardeau prête aussi le soutien... Et je l'apporte au fils, au soldat, au chrétien! VOIX DU CIEL Ô souverain ô juge, ô père! Tu seras vainqueur! Va! Va! Va! SAINT JACQUES (répétant, comme en extase) Tu seras vainqueur! (La vision disparaît.) RODRIGUE (avec égarement) La vision s'efface! (comme transfiguré) Ah! le souffle d'en haut a passé sur ma face! Dieu m'a parlé! (La fondre éclate, le tonnerre gronde avec force. La tente s'engloutit ) Quatrième Tableau (Le camp - La bataille Lever du jour. Les soldats accourent par groupes. Les fanfares se rapprochent. Rodrigue. Soldats.) SOLDATS Alerte, amis, aux armes! Aux armes! Nous somme prêts! mourons en combattant! RODRIGUE (à l'armée) Dieu m'a parlé! Compagnons! plus d'alarmes! LES SOLDATS Nous sommes prêts! mourons! RODRIGUE C'est le triomphe, et non la mort qui nous attend! (Il tire son épée; tous l'imitent) RODRIGUE ET LES SOLDATS O noble lame étincelante, Pure comme un regard d'enfant! Combats, gardienne vigilantes, Et fais l'honneur seul triomphant! Dans les batailles nouvelles Tressaille encore à sa clarté! Mais sois de flamme. et prends des ailes. Pour l'Espagne et sa liberté! En avant! en avant! en avant!!! RIDEAU |
ACTO TERCERO Escena Primera (La alcoba de Jimena. Es de noche. Una lámpara encendida sobre la mesa. Al fondo, un jardín visible por la luz de la luna.) TELÓN (Jimena sentada, llena de dolor, la cabeza entre las manos) JIMENA ¡En este horrible combate, tengo el alma rota! Mas al fin soy libre y podré al menos, suspirar sin reprimirme y sufrir... sin testigos. (Con gran sentimiento) ¡Llorad, llorad, ojos míos! ¡Caed, lágrimas tristes! ¡Que los rayos del sol nunca brillen aquí! ¡Si me queda una esperanza, es morir! ¡¡Derramad vuestras lágrimas, llorad! (llora y luego se incorpora) Mas ¿quién ha querido nunca lágrimas eternas? ¡Oh, queridos antepasados! ¿Encontráis tan encantador legar a los vivos un dolor implacable y sin fin? (Soñadora) ¡Eso es! ¡Lo recuerdo! Él me dijo: "Con tu dulce sonrisa nunca me podrás guiar sino por caminos de gloria, por senderos benditos..." (Dolorosamente) ¡Ah, mi padre! ¡Sí! (Aparece Rodrigo) (Asustada) ¡Rodrigo! ¡Tú! ¡Tú! ¡En esta casa! RODRIGO (Dulce y resignado) Ya que te dejo y antes de morir, quería verte por última vez! JIMENA (Sombría) ¡Vienes a reprocharme mi estallido de cólera! ¡Pero gracias a ti, he aprendido a cumplir con mi deber! RODRIGO (Aun lejos de ella) De cuanto puedas hacer nada tengo que reprocharte; viniendo de ti, Jimena, ¡todo está bien! ¡En vano puedes ser cruel conmigo, pues guardo a tu corazón, ahora cerrado, reconocimiento infinito por haberme amado un día! JUNTOS ¡Oh, días de las primeras caricias, incluso ahora que ya no existís, en nuestra casa, vuestra embriaguez, ¡cómo nos deslumbran aún esos rayos ya desaparecidos! JIMENA (Emocionada) ¿Quién de nosotros soporta un dolor mayor? RODRIGO ¡Aquel que no ha olvidado su amor! JIMENA Mas, ¡te espera la gloria por los caminos a los que corres! RODRIGO ¿Debo recorrerlos llevando tu odio conmigo? JIMENA ¡Ve! ¡no te odio! RODRIGO (Acercándose a ella) ¡Deberías odiarme! JIMENA ¡No puedo! ¡Ay! Si mis lágrimas fluyeran por otro que no fueras tú, mi alma habría encontrado consuelo en verte, el único consuelo que podría recibir... Mas cuando eres sólo tú, la causa de mi dolor, mi débil corazón se rompe con el deseo de castigarte... ¡Pido tu vida y temo conseguirla! RODRIGO (Como extasiado) ¡Oh, milagro de amor! JIMENA ¡Oh, colmo de penas! JUNTOS ¡Cuántas lágrimas y cuánto dolor nos cuestan nuestros padres! JIMENA (Enterneciéndose cada vez más) ¡Ah! Rodrigo, ¡quién lo habría pensado! RODRIGO ¡Quién nos lo hubiera dicho, Jimena! JUNTOS ¡Que la felicidad que teníamos tan cerca se haya alejado tanto, haya desaparecido... para siempre! JIMENA ¡Ah! ¡Cállate! ¡Todo esto es una blasfemia! Yo ofendo con escucharte, a la tumba y al Cielo! ¡Vete! ¡Vete! ¡Vete! RODRIGO (que se ha distanciado ante el gesto y las palabras de Jimena) ¡Recibe pues mi último adiós! ¡Voy a morir! JIMENA (dando un paso adelante, hacia Rodrigo, como para retenerlo) ¡Morir! ¡Vas a morir! ¡El enemigo que te espera es tan temible como para dar miedo a esa alma indómita! ¿O es que sólo tienes coraje, espíritu y ardor para matar a mi padre (Con sollozos) y partirme el corazón? ¡Vas a morir! ¡y qué! ¿Es que Jimena debe empeñarte a que preserves los días que a ella ultrajan? ¡Vete! ¡Corre a la batalla! Qué importan la dureza y, el número y el tiempo y el lugar. ¡Recuerda! ¡Salvar has jurado, a tu país y a tu rey! ¡Salvar has jurado, a tu país y a tu rey! ¿He de decirte algo más? (Con ternura) Si alguna vez te he amado, querido Rodrigo, si alguna vez te he amado, ¡ve! ¡Piensa en tu defensa! Para hacerme olvidar mi deber e imponerme el silencio, ¡Vuelve! ¡Vuelve! ¡Vuelve aún más grande! ¡Vuelve cargado de tantas hazañas que sea yo, al contemplar tu gloria, menos culpable de olvidar el pasado que de retenerlo en mi memoria! RODRIGO (Extasiado) ¿Podría haber creído algo así? ¡Dios...! ¡Ella me perdonará...! JIMENA ¡Ah! Mi corazón se estremece aún... ¡Mas Dios, a quien en vano imploro, nos separará para siempre! RODRIGO ¡Oh, buen Dios! ¡Tú lo permites! ¡Ah! ¡Su corazón aún se estremece! ¡Por aquél a quien adora su corazón, aún se estremece...! (con un grito) ¡Jimena! lo has dicho: ¡volveré vencedor! JIMENA (Enajenada) ¡Ah! ¿Qué he dicho? ¡No! ¡No! ¡Yo no he dicho nada! ¡Nada! ¡Nada! ¡Ah! ¡Ni olvido, ni perdón! ¡Adiós! ¡Vete! ¡Esas palabras me hacen morir de vergüenza! ¡Ah! ¡Adiós! (sale corriendo) RODRIGO Jimena, ¡volveré vencedor! (transfigurado) ¿Hay algún enemigo a quien no pueda domeñar? Apareced navarros, moros y castellanos, y todos los valientes que España ha criado! Acudid por el mar, por las montañas, o por los llanos! ¡La tierra es de Rodrigo y Rodrigo es de Jimena! ¡Apareced navarros, moros y castellanos! TELÓN Escena Segunda (El campamento de Rodrigo. En el horizonte, el mar. El atardecer. Los capitanes y los soldados navarros y castellanos beben y cantan. A la izquierda grupos de prisioneros en cuclillas sobre el suelo y músicos moros. Desorden pintoresco, típico.) TELÓN CAPITANES Y SOLDADOS ¡Vivimos sin miedo y sin remordimientos! ¡El infierno es mentira y el Cielo, un sueño! ¡La Tierra nos pertenece, pues nosotros somos los fuertes y nuestro derecho es nuestro acero! ¡Vivimos sin miedo y sin remordimientos! ¡A nosotros, el vino! ¡El oro! ¡Cada día es una fiesta! (Rodrigo aparece seguido de un grupo de capitanes y de soldados) RODRIGO (Con autoridad a los soldados que beben) ¡Parad! ¿Es así, borrachos vergonzantes, como gastáis el tiempo que el Señor os da, para prepararos a la muerte? (movimiento) CAPITANES Y SOLDADOS (con suficiencia) ¡La victoria es nuestra! RODRIGO ¡No! ¡Un ejército inmenso se extiende alrededor nuestro; engrandeciéndose, cada vez más... se acerca. ¡Contra él debemos desplegar nuestro esfuerzo supremo! SOLDADOS (primer grupo) ¡No! ¿Por qué resistir? ¡Partamos antes del alba! ¡Huyamos! ¡Huyamos! RODRIGO ¿Quién esta hablando de huir? SOLDADOS (segundo grupo a Rodrigo) ¡Nosotros estamos contigo! RODRIGO ¡Aún podemos vencer! SOLDADOS (primer grupo) ¡Tenemos la suerte en contra! RODRIGO (Con brío) ¡Siempre podemos morir! SOLDADOS (segundo grupo) ¡No estarás solo a la hora de combatir! ¡Aquí estamos los que no desertaremos! SOLDADOS (primer grupo) ¡Combatir sin esperanza es demencia culpable! ¡Reservemos nuestra sangre para combates más seguros! RODRIGO ¡Cobardes! ¡Huid! (Con un último gesto, echa a los que huyen; después, se vuelve hacia los soldados. Va cayendo la noche.) Amigos de fiel corazón, ¡buscad en el reposo, el olvido de vuestra suerte! ¡Que el ángel del sueño roce con sus alas las frentes destinadas al ángel de la muerte ¡Yo velaré! (Los soldados se levantan. Se intercambian las últimas llamadas de trompetas que, a lo lejos, se van desvaneciendo por todo el campamento. Todo queda en reposo) Escena Tercera (La tienda de Rodrigo.) RODRIGO (solo, con un profundo abatimiento) ¡Ah! ¡Todo ha terminado! ¡Mi bello sueño de gloria, mis sueños de felicidad, desvanecidos, para siempre! Te has llevado mi amor, ¡llévate mi victoria! Señor, ¡yo me someto! ¡Oh soberano! ¡Oh juez! ¡Oh padre! ¡Deseado siempre; siempre presente! ¡Te he adorado en la prosperidad y te bendigo en el dolor! ¡Voy donde tu ley me reclame, libre de todo lamento humano! ¡Oh soberano! ¡Oh juez! ¡Oh padre! ¡Sólo tu imagen está en mi alma y yo me entrego a tus manos! (Un fulgor que, poco a poco, se hace más grande hasta que, en el fondo de la tienda, se convierte en fuego. Aparece la imagen viva de Santiago, mientras van oyéndose voces celestiales) VOZ DEL CIELO ¡Oh soberano! ¡Oh juez! ¡Oh padre! ¡Deseado siempre; siempre presente! RODRIGO (extasiado) ¡Esa voz! ¡Esa voz desde lo alto! ¡La noche se abre, se llena de luz! SANTIAGO ¡Rodrigo! RODRIGO ¡Santiago! SANTIAGO ¡El Cielo ha escuchado tu súplica! RODRIGO Has recibido mi fe, ¡me has escuchado! ¡Has venido a mí! ¡Oh soberano! ¡Oh juez! ¡Oh padre! ¡Sólo tu imagen está en mi alma y yo me entrego a tus manos! ¡Oh soberano! ¡Oh juez! ¡Oh padre! SANTIAGO ¡Aquél que te da cargas y penurias, también te sostiene, y yo auxilio al hijo, al soldado, al cristiano! VOZ DEL CIELO ¡Oh soberano! ¡Oh juez! ¡Oh padre! Serás vencedor ¡Ve! ¡Ve! ¡Ve! SANTIAGO (Repitiendo, como en éxtasis) ¡Serás vencedor! (La visión desaparece) RODRIGO (enérgicamente) La visión se desvanece. (como transfigurado) Una brisa del cielo me ha rozado la cara ¡Dios me ha hablado! (Relámpagos y truenos muy fuertes levantan la tienda) Escena Cuarta (El campamento. La batalla Al amanecer. Los soldados se agrupan. Suenan las trompetas. Rodrigo. Soldados) LOS SOLDADOS ¡Alerta! ¡Amigos! ¡A las armas! ¡Estamos preparados! ¡Moriremos combatiendo! RODRIGO (Al ejército) ¡Dios me ha hablado! ¡Compañeros, no tengáis miedo! LOS SOLDADOS ¡Estamos listos! ¡Muramos! ¡Adelante! RODRIGO ¡Es el triunfo y no la muerte lo que nos espera! (desenvaina su espada. Todos lo imitan) RODRIGO Y LOS SOLDADOS ¡Oh, noble espada deslumbrante, pura, como la mirada de un niño! Combate, guardiana vigilante y sólo al honor haz triunfar! En cada batalla, haz temblar al enemigo con tu resplandor! ¡Inflámate y abre tus alas por España y su libertad! ¡Adelante! ¡Adelante! ¡Adelante! TELÓN |